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 Le LycĂ©e Franco-Chinois & Le CollĂšge FraternitĂ©

Michel BRUN

Il y a un peu plus de 100 ans 
 à Cholon

Le Lycée Franco-Chinois

Devenu il y a 50 ans 


Le CollÚge Fraternité

C’est en 1908 que, sur l’initiative de M. Tsia Man Yan, fut créé une association de commerçants, banquiers, directeurs d’usine, chefs d’entreprise, aussi bien chinois que français. Cette association fut, dĂšs ses dĂ©buts, encouragĂ©e par le gouvernement gĂ©nĂ©ral de l’Indochine pour la crĂ©ation du " LycĂ©e Franco-Chinois ". MalgrĂ© son nom, qui pourrait laisser supposer, un Ă©tablissement d’Etat de l’enseignement secondaire, cette institution privĂ©e revĂȘtit dĂšs le dĂ©part un caractĂšre original, diffĂ©rent par ses programmes et ses buts de ses homologues français locaux ou mĂ©tropolitains, et chinois. SituĂ©e Ă  Cholon, rue CĂąy Mai (qui deviendra rue des FrĂšres Louis, puis rue NguyĂȘn Trai) sur un terrain de 5 hectares.

Le but que se proposait l’association – et qui a Ă©tĂ© atteint – Ă©tait de donner aux enfants des rĂ©sidents chinois d’Indochine la possibilitĂ© de s’instruire sans avoir Ă  quitter le pays oĂč Ă©taient installĂ©es leurs familles. L’enseignement qui Ă©tait donnĂ© comportait surtout des matiĂšres pratiques qui devaient leur permettre d’ĂȘtre en mesure de gagner leur vie dĂšs la sortie du lycĂ©e.

Le cycle secondaire s’étendait sur cinq annĂ©es. Il comprenait l’étude de la langue, de la littĂ©rature chinoise, des poĂštes et des philosophes chinois, de la langue française, des mathĂ©matiques, de la physique, de la chimie, de l’anglais, de la comptabilitĂ© et d’un certain nombre de cours pratiques d’application prĂ©parant aux dĂ©bouchĂ©s de l’époque. Sauf pour la premiĂšre annĂ©e pendant laquelle les Ă©lĂšves se familiarisaient surtout avec la langue, l’enseignement fut donnĂ© en français. Un examen de sortie portant Ă  la fois sur l’enseignement en chinois et en français donnait droit Ă  la dĂ©livrance d’un diplĂŽme, qui entre autre, Ă©tait le seul diplĂŽme d’études privĂ©es permettant Ă  tout titulaire de devenir professeur de français dans les Ă©coles chinoises de Cochinchine. Il donnait aussi accĂšs, sans examen d’entrĂ©e Ă  la fameuse universitĂ© libre de Shanghai, l’universitĂ© Aurore, fondĂ©e et remarquablement dirigĂ©e par les PĂšres JĂ©suites.

L’enseignement trĂšs pratique du lycĂ©e, les connaissances poussĂ©es qu’il permettait d’acquĂ©rir rapidement en français, ses frais de scolaritĂ© beaucoup plus bas en gĂ©nĂ©ral que ceux pratiquĂ©s par les autres Ă©coles chinoises privĂ©es furent autant d’élĂ©ments attractifs pour les Ă©lĂšves qui vinrent chaque annĂ©e de plus en plus nombreux, au point que le nombre restreint de places dut donner lieu Ă  une sĂ©lection laquelle permit une Ă©lĂ©vation de niveau et attira encore plus de candidats. Si la premiĂšre annĂ©e amena moins de 50 Ă©lĂšves, dĂšs 1920, il fallut construire un deuxiĂšme bĂątiment. En 1949 l’établissement dĂ©passa les 1000 Ă©lĂšves. L’inscription de nombreux chinois venus de tous les coins de l’Indochine entraĂźna la crĂ©ation d’un internat et la construction d’un second bĂątiment. 130 garçons et filles devinrent pensionnaires. A cette Ă©poque une vingtaine de classes d’une quarantaine d’élĂšves en moyenne chacune, composaient le lycĂ©e. Une quarantaine de professeurs attitrĂ©s et des chargĂ©s de cours distribuaient l’enseignement. Les professeurs français venaient pour la plupart du corps enseignant des Ă©tablissements officiels français de Saigon. En ce qui concerne les professeurs chinois, ils se recrutaient parmi les diplĂŽmĂ©s de l’école de pĂ©dagogie de Hanoi, puis rapidement parmi les anciens Ă©lĂšves de l’école. Il y eut mĂȘme en 1952 un docteur Ăšs lettres chinois de l’universitĂ© de Lyon.

FinanciÚrement, le lycée fut construit avec des fonds souscrits par les diverses maisons de commerce chinoises et françaises de Cochinchine aussi bien que par le gouvernement général sur le terrain de 5 hectares offerts par le fondateur M. Tsia Man Yan.

Les dĂ©buts furent difficiles, le petit nombre d’élus et les frais de scolaritĂ© extrĂȘmement bas n’offraient qu’un revenu insuffisant. Progressivement la situation s’amĂ©liora grĂące Ă  l’augmentation des frais de scolaritĂ© payĂ©s par les Ă©lĂšves d’une part, mais surtout grĂące aux fonds versĂ©s par les chinois du Sud Vietnam et un certain nombre de subventions officielles.

Jusqu’au milieu des annĂ©es 1956, les Ă©lĂšves, une fois nantis de leur diplĂŽme de sortie, n’attendaient pas longtemps avant de trouver un emploi. Dans une population chinoise vivant gĂ©nĂ©ralement sur elle-mĂȘme et ayant tendance Ă  ne parler que sa langue, les jeunes diplĂŽmĂ©s devenaient de prĂ©cieux auxiliaires tant de leurs compatriotes que des Français dans les maisons de commerce principalement, les banques, les administrations, comme secrĂ©taires, compradores, interprĂštes, etc 
De plus un dĂ©bouchĂ© important s’ouvrait Ă  eux dans le professorat car les Ă©coles chinoises qui voyaient affluer chaque annĂ©e de plus en plus d’élĂšves, recherchaient continuellement des professeurs connaissant le français.

L’administration recrutait Ă©galement parmi eux les meilleurs Ă©lĂ©ments. Encore dans les annĂ©es 60 beaucoup d’écoles chinoises seront dirigĂ©es par des anciens du lycĂ©e franco-chinois et la plupart des professeurs de français de Cholon auront le mĂȘme cursus.

Au milieu de la dĂ©cennie 50, l’occupation des locaux par les rĂ©fugiĂ©s du Nord durant une assez longue pĂ©riode, coĂŻncidant avec les bouleversements politiques perturbĂšrent de façon assez profonde l’établissement. La naturalisation des Chinois par le prĂ©sident Ngo Dinh Diem, la pression politique imposĂšrent la modification de l’appellation : " franco-chinois " qui devint FraternitĂ© et le terme lycĂ©e fit place Ă  CollĂšge au sens amĂ©ricain du terme pour satisfaire Ă  la mode du moment et considĂ©rĂ©e comme plus " noble " dans son sens anglo-saxon alors qu’il Ă©tait considĂ©rĂ© comme un " dĂ©classement " pour les partisans de la culture française.

Deux cours de langue française pour adultes créés en 1959 pĂ©riclitĂšrent. Le dĂ©ficit qui n’était plus comblĂ© par les firmes chinoises dĂ©passait les 2/3 du budget. L’infrastructure conçue en 1908 qui avait trĂšs bien rempli sa fonction durant 50 ans n’était plus adaptĂ©e Ă  l’évolution de ce demi-siĂšcle.

C’est Ă  ce moment qu’à l’instigation de M. Philippe BrĂ©ant alors secrĂ©taire gĂ©nĂ©ral de la Mission Culturelle et qui devait par la suite devenir Inspecteur GĂ©nĂ©ral au MinistĂšre de l’éducation Ă  Paris, j’acceptais d’entreprendre la modernisation de l’établissement et son adaptation aux nouvelles exigences Ă©conomiques et sociales. Le diplĂŽme du lycĂ©e franco-chinois qui avait rendu durant 50 ans de grands services Ă  la colonie chinoise n’ouvrait plus les mĂȘmes dĂ©bouchĂ©s. Sur le plan des diplĂŽmes s’imposait de plus en plus la nĂ©cessitĂ© de possĂ©der le BEPC et le BaccalaurĂ©at indispensable pour poursuivre Ă  l’universitĂ©. Sur le plan de la pĂ©dagogie, les mĂ©thodes avaient, elles aussi, considĂ©rablement Ă©voluĂ©. La lĂ©gislation Ă©tant peu stricte sur le niveau universitaire des enseignants, le recrutement faisait appel Ă  des bonnes volontĂ©s dont on ne pouvait trop exiger compte tenu du trop faible niveau de rĂ©munĂ©ration. Le laxisme sur l’admission des Ă©lĂšves en matiĂšre d’ñge et de niveau, afin de ne pas diminuer le nombre de " clients " indispensables Ă  l’existence mĂȘme de l’établissement, la pratique d’un quart d’heure de rĂ©crĂ©ation chaque heure de cours pour exĂ©cuter une clause du contrat signĂ© avec la cantine, tout cela dictait le choix des rĂ©formes Ă  accomplir.

Il fallut trois ans pour adapter la nouvelle organisation qui impliquait un contrĂŽle plus strict de l’ñge d’admission dans les classes et transformait les 3 classes primaires existantes (9Ăšme, 8Ăšme et 7Ăšme) en un primaire normal de 6 annĂ©es. En 1962 dĂ©marraient les 2 premiĂšres classes de 11Ăšme (CP) normales assurĂ©es par M. Bernard Lebrun et son Ă©pouse avec une compĂ©tence et un dĂ©vouement exemplaires. Ce primaire de 2 classes devenait en 5 ans un primaire de 35 classes de 44 Ă©lĂšves chacune. En 3 ans les cours du soir pour adultes passaient de 2 Ă  14 ! Le premier cycle dĂ©bouchant sur la 3Ăšme apportait un BEPC sur 43 en 1962, 6 sur 17 en 1964 et 264 en 1974. Le deuxiĂšme cycle vit sa premiĂšre terminale obtenir en 1967 les 15 premiers bacheliers pour arriver en 1974 Ă  89 dont 34 mentions.

Sur le plan pĂ©dagogique fut entrepris un effort considĂ©rable de recrutement de professeurs, d’excellent niveau, rĂ©munĂ©rĂ©s Ă  partir de 1965 de façon Ă©quivalente aux autres Ă©tablissements. L’offensive du Tet Mau Than de 1968 nous amena de nouveau pour plus d’une annĂ©e des rĂ©fugiĂ©s occupant deux de nos bĂątiments anciens. Heureusement dĂšs 1964 la construction de nouveaux locaux avait permis d’accueillir les Ă©lĂšves au fur et Ă  mesure du rapide dĂ©veloppement du collĂšge. Le bĂątiment Pasteur en 1964, puis Confucius en 1966, la jonction des 2 en 1969. 18 classes maternelles avaient Ă©tĂ© dĂ©jĂ  bĂąties en 1965. En 1971 la construction de 11 salles de laboratoire, 3 de physique, 3 de chimie et 5 de sciences naturelles faisaient de FraternitĂ© le premier Ă©tablissement du Vietnam dans ce domaine. Son matĂ©riel moderne et complet obtenu grĂące Ă  l’aide efficace du professeur et grand physicien Jean Debiesse, Directeur du Centre de Recherches NuclĂ©aires de Saclay qui nous fit parvenir du matĂ©riel pĂ©rimĂ© pour Saclay mais ultra moderne pour nous. Le complĂ©ment fut achetĂ© Ă  Paris grĂące Ă  la subvention du MinistĂšre et Ă  une tournĂ©e de magasins de 2 mois de firme Ă  firme pour non seulement obtenir des rabais, souvent importants, mais pour plusieurs, des dons d’appareils trĂšs modernes mais chers et offerts pour participer Ă  notre effort de dĂ©veloppement culturel au Vietnam. Une grande partie de ce matĂ©riel disparaĂźtra en 1975 emportĂ© lors des bouleversements militaires avec l’arrivĂ©e d’ " experts Ă©trangers amis " intĂ©ressĂ©s par la qualitĂ© et la modernitĂ© de ce matĂ©riel.

AprĂšs avoir Ă©tĂ© Ă  partir de 1970 le plus grand Ă©tablissement francophone du monde, avec 6460 Ă©lĂšves, 216 enseignants et 146 classes, il devenait en 1976 aprĂšs les changements politiques et militaires, facultĂ© de pĂ©dagogie et centre pilote de formation des maĂźtres avec des classes pilotes expĂ©rimentales. Ainsi une part de la vocation de cette crĂ©ation centenaire continue Ă  transmettre le savoir, assurer la formation des " transmetteurs " de savoir, Ă©duquer. Des milliers de jeunes formĂ©s Ă  FraternitĂ© ont, aprĂšs le grand exode de 1975, essaimĂ© de par le monde en Australie, Nouvelle ZĂ©lande, Philippines, USA, Canada, France, Belgique, Suisse, Allemagne, Autriche 
 et Chine, restant tous unis par l’esprit " fraternien " et regroupĂ©s dans l’association FraternitĂ© Saigon-Cholon.

Comme dans toute page d’histoire, il existe des monuments Ă©levĂ©s, sinon Ă  la gloire, tout au moins au souvenir de ceux qui ont fait cette histoire. Ayant perdu une grande partie de la documentation sur le lycĂ©e franco-chinois, en dehors du nom de M. Tsia Man Yan qui offrit le terrain en 1908, seuls quelques noms Ă©mergent de ma mĂ©moire, en 1938/1940, le commandant Robert, puis le colonel Jay et M de Milleville. Lors de la transformation du lycĂ©e en collĂšge FraternitĂ©, le premier prĂ©sident fut M. Philippe Grandjean, directeur des BGI (Brasseries et GlaciĂšres de l’Indochine). Lui succĂ©da le Professeur Rivoalen, dernier doyen français de la facultĂ© de mĂ©decine. C’est sous sa prĂ©sidence que je pris la direction de l’établissement. GrĂące Ă  son dĂ©vouement, sa comprĂ©hension et sa diplomatie, j’ai pu sans trop de heurts entreprendre les rĂ©formes d’adaptation indispensables pour faire de l’établissement un centre d’enseignement moderne. Je me dois d’évoquer ici le rĂŽle discret, mais combien efficace, d’une personnalitĂ© extĂ©rieure Ă  l’établissement, mais au cƓur des centres de dĂ©cision de la Mission Culturelle Française, M. Philippe BrĂ©ant qui deviendra par la suite Inspecteur GĂ©nĂ©ral de l’éducation Ă  Paris. Au dĂ©part du Professeur Rivoalen, la prĂ©sidence fut assurĂ©e par M. Michel Roux, directeur de la Banque franco-chinoise dont l’appui permit les premiĂšres constructions de nouveaux bĂątiments de 1962 Ă  1964. Son successeur Ă  la tĂȘte de la Banque franco-chinoise, lui succĂ©da Ă©galement Ă  la prĂ©sidence du conseil d’administration du collĂšge, M. AndrĂ© Amathieu. GrĂące Ă  son appui constant, Ă  sa participation active chaque semaine, Ă  une collaboration permanente qui se transformera en amitiĂ© profonde, les travaux d’agrandissement des locaux (82 salles de classes construites) furent poursuivis et accĂ©lĂ©rĂ©s et les rĂ©formes conduites Ă  leur terme, malgrĂ© les difficultĂ©s multiples qu’entraĂźnent tout bouleversement d’habitudes 
.

A son dĂ©part, M. Jean Despieres, de la direction des BGI lui succĂ©da et entreprit de poursuivre l’appui efficace qu’avait apportĂ© son prĂ©dĂ©cesseur jusqu’au bouleversement d’avril 1975. Mais je ne voudrai pas ne graver sur le marbre de ce monument d’histoire que les noms de ceux qui ont prĂ©sidĂ© Ă  cette Ɠuvre. Dans ce qui a Ă©tĂ© entrepris de 1960 Ă  1975 des noms mĂ©ritent d’ĂȘtre inscrits sur le mĂȘme marbre, il est impossible de citer les 216 enseignants prĂ©sents Ă  mon dĂ©part en 1975. Mais dans l’histoire de la rĂ©novation, du dĂ©veloppement et de la modernisation des noms Ă©mergent. Pour la crĂ©ation du primaire en 1961, la pierre angulaire de ce qui, parti de 2 classes de 11Ăšme atteindra 35 classes 5 ans plus tard, fut M. Bernard Lebrun avec son Ă©pouse Marcelle. Mme Dapoigny vint apporter sa compĂ©tence et son dĂ©vouement au moment oĂč la croissance rapide imposait une formation pĂ©dagogique profonde et rapide d’un personnel de plus en plus nombreux. C’est elle qui me fit venir Mme Behr qui lui succĂ©da et " façonna " le jardin d’enfants dont la rĂ©putation s’étendit rapidement Ă  toute l’agglomĂ©ration Saigon Cholon. M. Thi Chu Giao (dit Tcheng) fut l’ñme des classes spĂ©ciales chinoises, M. Dejean de la BĂątie crĂ©ateur de Fraterculture, du cinĂ©ma permanent et des activitĂ©s culturelles annexes. Pour qu’une Ɠuvre comme FraternitĂ© se rĂ©alise en 15 ans il lui fallait une " Ăąme " et cette Ăąme, c’est l’ensemble des volontĂ©s et des dĂ©vouements tous tournĂ©s vers le mĂȘme but, pour le mĂȘme idĂ©al, unis dans le travail et la fraternitĂ© qui pouvaient la rĂ©aliser. C’est cette Ăąme fraternienne qui continue Ă  nous unir tous de par le monde.

PS : Si vous avez des documents ou des connaissances particuliĂšres concernant l’histoire du LycĂ©e franco-chinois et du CollĂšge FraternitĂ©, n’hĂ©sitez pas Ă  nous Ă©crire. Merci.

Michel BRUN
Le 12 février 2009


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